14 mars, 2011

A l'abris

Mon dernier message était soit prémonitoire, soit Karma refait des siennes, mais il aurait pu se contenter de me faire chier moi seule, plutôt que de détruire tout le nord du Honshu.
Donc pas de chance pour mon retour sur Tokyo, pile poil les 3 jours qu'il fallait pas.
Mais une chance que nous soyons partis tous les deux (mon mari et moi). Je n'aurais pas supporte d'etre a Fukuoka et mon mari a Tokyo.
Nous sommes arrives jeudi soir, un petit tour dans notre ancien quartier pour les souvenirs, puis arrives dans le centre de Shinjuku, nous arrivons a l'hotel: vieux, dans une ruelle avec pleins de vieux petits resto autour. L'ascenseur, pourri, je me souviens avoir pense "y a pas interet d'y avoir un tremblement de terre la, car lui, il va pas tenir..."
10 ieme etage d'un batiment en hauteur, vielle chambre...

Vendredi matin, il fait beau, Jules part sur Shinagawa pour une reunion, je me leve et pars faire des emplettes. Matinee de reve dans les magasins de Shinjuku que nous n'avons pas a Fukuoka, je fais une razia pour mes 30 ans chez H&M et Forever 21.
Je m'offre un super resto en solo, Jules me telephone, ca va? parfait, une de mes plus belles journees!
Debut d'aprem, je prends RDV dans un salon de massage sur la grande avenue de Shinjuku ou sont colles des batiments en hauteur, tres peu d'espace, des entrees minuscules. 3ieme etage, je viens d'arriver, je suis assise dans l'entree, la masseuse me propose de la suivre pour me deshabiller (massage a l'huile) et la terre commence a trembler. Je suis la seule a sentir et dis: Jishin (tremblement de terre), les 2 gars a la caisse me regarde, ah oui. petit a petit tous les clients et masseurs se retrouvent dans le hall du magasin, les deco nous tombent dessus, ca dure et le batiment ne fait pas que bouger, il commence a craquer et CA, ca fait flipper. Je cherche un bureau pour me jeter dessous, y a rien, je suis sur le canape.

La secousse s'arrete, je saute sur mes chaussures et court vers la sortie de secours. Comme dans tous ces batiments de harajuku et Shinjuku ou y a pas de place, des cartons et des stocks dans les escaliers de secours. Putain! J'escalade, me casse presque la figure mais arrive a sortir et me retrouve sur le terre plein central de l'avenue. Les batiments sont tellements grands et bourres de pancartes publicitaires qu'aucun endroit n'est securise.
Un etranger hagard me regarde et commence a me parler: un irlandais en vacance en Chine qui a decide de passer le weekend a Tokyo. pas de chance non plus. Il ne connait rien au Japon et au japonais, on va dans un cafe, rez de chaussee, table pres de la sortie quand il y a une grosse replique, on saute dehors et pendant 1h on reste dans la rue en attente, comme tous les japonais.

Je pense que tout le monde, pendant la premiere heure et demi est reste a attendre, a realiser et seulement ensuite, le mouvement de retour a commence. Et la, tout le monde a realiser que pas de train, pas de taxi, peu de bus, il fallait rentrer a pied. Mouvement d'exode, hallucinant, des collones de japonais, calmes, organises, aucune scène de panique. La queue devant les magasins de chaussures ou les gens s'arrachent les dernieres baskets pour parcourir les km qui les separent de leurs domiciles. Ruee aussi sur les magasins electriques pour les chargeurs telephones qui helas ne fonctionnent pas. Ca fait 4h que je n'ai pas de nouvelles de mon mari, mais grace aux acces internet des telephones portables et Facebook, on arrive a s'envoyer des emails finalement. Il decide a 18h de rentrer a pied. Il me rejoindra a 22h30, pendant ce temps la, sa tante a Miyazaki fera le lien entre lui et moi pour nous tenir au courant de l'evolution car elle seule arrive a nous joindre sur nos telephones.

Je passe en gros 7h dans le hall de l'hotel, au chaud, a voir des centaines de personnes chercher une chambre car ne pouvant pas rentrer chez eux, ont besoin d'un lieu ou rester.
Je me decide a monter dans ma chambre, chercher le chargeur telephone et poser mes sacs: la peur de ma vie. Escalier de secours minuscule avec barriere de securite tellement basse qu'a la moindre secousse on passe par dessus, et tellement en hauteur qu'au 3ieme etage j'avais deja le vertige alors que je n'ai pas peur de la hauteur en temps normal. Je suis arrivee au 10ieme, tremblante, collee la colonne centrale, je ne suis restee que 2scd dans la chambre tellement je flippais.

Vers 20h, une copine arrive sur Shinjuku ou elle habite, nous partons chez elle ou nous rejoins un ami a elle. A 3 , on decouvre sa cuisine sens dessus dessous, plusieurs secousses au 12ieme etage nous poussent a repartir dehors, on part manger dans un resto, rez de chaussee, a cote de mon hotel pour attendre Jules. Plusieurs secousses encore, je ne veux pas retourner a l'hotel.
1h du mat, on passe 10 min dans la chambre, le temps de faire un sac d'urgence et nous ressortons. Direction le poste de police a L'angle, qui nous indique une ecole a cote: un refuge. Nous sommes accueilli avec gateaux secs et couvertures.
Nuit blanche dans une salle blindee, lumieres toutes allumees et TV a fond, a chacune des alertes TV, des cris et des gens qui sautaient sur les fenetres et portes pour les ouvrir.
A 6h, epuises nous allons chercher notre valise, cherchons un taxi et partons vers la maison d'un ami.
1ier etage avec jardin, mon stress redescend pour la premiere fois en 24h, on peut dormir un peu mais les repliques continuent et nous prenons conscience des degats humains et nucleaires a la TV. Samedi et dimanche sera une succession d'heures passees sur le net, de courses vers la sortie a la moindre secousses, de courses pour se substanter, d'amie qui debarque car trop peur seule.

Les messages de l'ambassade de France ne sont pas rassurant, une trentaine de francais encore disparus, et une forte recommandation de quitter Tokyo car 75% de risque d'une nouvelle secousse de niveau 7 et risque d'explosion des centrales.
Nous quittons soulagees Tokyo dimanche apres-midi et arrivons epuisees a Fukuoka.
Fukuoka, ou au resto hier soir, régnait une atmosphere festive d'indifference qui perso m'a choquee.
Trop loin, pas concerne!

Tv allumee, je regarde les images encore et encore et ponctuellement, une annonce de tremblement de terre, ca continue.
Nuit blanche ou je sentais mon lit bouger, seulement mon imagination, mais meme maintenant devant mon ordi j'ai encore cette sensation de tanguage.
Nous quittons le Japon mercredi pour la Thailande, ca nous fera du bien je pense.
Plusieurs de mes amis ont quitte Tokyo en voiture ou train hier et ce matin pour partir dans le sud.
A Tokyo, ils organisent des coupures d'electricite pour rationner.

Je souhaite beaucoup de courage a tout ceux qui sont encore sur place, des bises a Flo qui est a Sendai, en plein coeur du Tsunami et tremblement de terre.

Si certains veulent venir a Fukuoka, vous etes les bienvenues pour vous y mettre a l'abris.

2 commentaires:

Cécile a dit…

Je te souhaite bon courage pour la suite des évènements. Je devais venir dans 3 semaines pour mon voyage de noces, mais voilà qui est râpé... Si tu veux je peux lui casser la figure au karma (j'ai eu une explosion de chantier dans mon quartier ce week-end aussi...).
J'espère que les centrales vont tenir le coup.

Fuji a dit…

Pas de chance en effet pour le voyage de noces, j'espere que vous avez une ssurance annulation.
Et j'accepte volontier la proposition de cassage de figure de karma.
merci (^ ^)